C’est à la fois : une enquête passionnante, une réflexion sur les horreurs de la guerre, un thriller, un voyage initiatique entremêlé de séquences d’animation d’une beauté funèbre… La Suissesse Anja Kofmel construit son film hybride en partant d’une question qui l’accompagne depuis son enfance : qu’est-il arrivé à son cousin Christian Würtenberg, correspondant de guerre assassiné en Croatie en janvier 1992 ? La réalisatrice puise autant dans la palette de l’art que dans celle du documentaire pour tenter de percer les mystères de ce fantôme. On refait avec elle le chemin de la Suisse à Zagreb, on retrouve les lieux du dernier conflit couvert par « Chris », la guerre civile en ex-Yougoslavie. De témoignages en paysages encore hantés, le film reconstitue pas à pas le quotidien dément et téméraire des journalistes spécialisés, mais nous plonge aussi dans le bourbier complexe d’un grand trauma européen, où rien ni personne n’est épargné, pas même l’illustre figure familiale.
Reporter, aventurier, voire agent secret, personnage équivoque engagé dans une milice internationale pro-croate d’extrême droite, ou bien héros de l’info infiltré ? Qui était vraiment Chris ? De troubles vérités se révèlent, qu’Anja Kofmel ose frotter à son deuil et à son imaginaire, comblant les vides et déployant ses émotions grâce à de splendides cauchemars animés en noir et blanc. Comme dans les ténèbres de la mémoire.
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