En 2010, José « Pepe » Mujica est élu président de l’Uruguay. Une consécration pour l’ancien guérillero du mouvement d’extrême gauche Tupamaros, ancienne victime de la dictature militaire qui, dans les années 1970 et 1980, fit régner la terreur dans ce petit pays d’Amérique du Sud. De 1973 à 1985, Pepe Mujica fut incarcéré sans procès, placé à l’isolement avec interdiction de parler à ses gardiens, tout comme deux de ses illustres camarades, le militant Eleuterio Fernández Huidobro (devenu sénateur au retour de la démocratie) et l’écrivain Mauricio Rosencof. Comment les trois amis ont-ils pu survivre à une entreprise aussi méthodique de déshumanisation ? Par une foi inébranlable en la liberté et en la vie, répond le cinéaste Alvaro Brechner, dans un film aussi éprouvant que poignant. La mise en scène, remarquablement dynamique alors que l’essentiel du récit se déroule dans des cellules de quelques mètres carrés, restitue la perte de sensation des prisonniers, au bord de la folie à force d’être privés de repères. Compañeros n’élude aucune de leurs souffrances. Mais au cœur de cette « nuit de douze ans » (le beau titre original) se détachent des instants solaires. Un film remarquable !
Télérama