Durant la Grande Terreur stalinienne, l’odyssée kafkaïenne d’un jeune magistrat zélé, cantonné à recueillir les informations qu’un illustre prisonnier désire lui transmettre. Paranoïa, brutalité, cynisme d’un régime que le spectateur va percevoir comme l’ombre fantomatique de la Russie de Poutine…
Au-delà de ses plans acérés et de sa structure implacable, la grande idée du film de l’Ukrainien Sergei Loznitsa consiste à se couler dans la rigidité protocolaire du procureur Kornev, héros passif d’un thriller, marathonien des salles d’attente, convaincu que sa rigueur morale et son abnégation mettront d’équerre un appareil dictatorial miné par la corruption et le mal.
De cette fixité, Loznitsa fait naître une tension terrifiante. Elle passe par une fabuleuse orchestration du dialogue, le tranchant des mots, leur caractère piégeux, le pouvoir de déclamation des acteurs poussé à son paroxysme. Il en résulte un film à la fois sec et délié, qui embrasse dans un même élan drôlerie et horreur, paroles létales et silences anxiogènes – ces rounds d’observation à la Sergio Leone où la terreur circule littéralement sur les visages.
L’Obs