C’est une fracture ouverte et multiple. D’abord celle d’un couple qui se sépare, avec un coude cassé à la clé. Puis d’un routier qui va à une manifestation de gilets jaunes, et repart avec une jambe explosée. D’une aide-soignante enfin, qui va être poussée dans ses retranchements, jusqu’au point de rupture. Mais la vraie fracture du titre est évidemment sociale, économique, politique, car derrière les plâtres du service des urgences, il y a un pays entier qui boite.
C’est précisément dans une fracture que le film est né : lorsque la réalisatrice Catherine Corsini s’est cassé le coude, et a fini aux urgences. C’était le soir du 1er décembre 2018, quand la capitale a tremblé et pris feu dans l’acte III des gilets jaunes. Elle a alors construit une fiction sur cette double réalité, intime et politique. Que le tournage ait eu lieu en pleine pandémie, alors que le monde hospitalier étouffait entre les applaudissements polis du soir, a achevé d’en faire un film-symptôme de l’époque. La Fracture est à l’image de tout ça : un joyeux cirque tragi-comique où les personnages se retrouvent et s’entrecroisent, entre le rire et les larmes. D’où un film étonnant et détonant, d’une grande richesse.
Ecran large