Nelly a huit ans et vient de perdre sa grand-mère. Elle part avec ses parents vider la maison d’enfance de sa mère, Marion. Nelly est heureuse d’explorer cette maison et les bois qui l’entourent où sa mère construisait une cabane. Un matin la tristesse pousse sa mère à partir. C’est là que Nelly rencontre une petite fille dans les bois. Elle construit une cabane, elle a son âge et elle s’appelle Marion. C’est sa petite maman.
Nous avions laissé Céline Sciamma avec sans doute ce qui pouvait ressembler à son film « somme », c’est-à-dire son oeuvre la plus complète, à savoir Portrait de la jeune fille en feu. Elle revient avec Petite maman, qui sur le papier ressemble à un film à l’opposé total du précédent.
Pourtant, on y retrouve les motifs préférés de Sciamma, en particulier une évocation de l’enfance, comme elle avait pu le faire dans Tomboy ou Naissance des pieuvres. Mais alors, l’enfance était traitée sous l’angle de sa fin, du passage à l’âge suivant, qu’on appelle adolescence, et qui est l’injonction de se construire de manière définitive.
On se souvient aussi de Ma Vie de courgette, le film d’animation dont elle avait signé le scénario, dans lequel elle s’attache uniquement à traiter l’enfance en tant que telle dans le film. Et sa prouesse est de concentrer en 1h12 toute l’essence de cet âge si particulier, en l’évoquant par le prisme de la relation à la figure maternelle, et d’une manière follement originale, mais surtout excessivement poétique.
Ne cherchez pas l’exploit cinématographique dans l’excès, mais plutôt dans la subtilité. Subtilité des dialogues, du jeu (mention spéciale à Nina Meurisse qu’on aime d’amour), mais aussi (et peut-être avant tout) de la lumière. Rien de flagrant, si ce n’est des ombres sur les murs, les couleurs ocres de l’automne, la finesse des contrastes. Et pourtant, ce travail de la chef opératrice Claire Mathon (césarisée pour l’image dans Portrait de la jeune fille en feu) reste imprimé sur nos rétines comme les formes qu’on croit voir se dessiner sur les murs de nos chambres d’enfant le soir, quand les arbres bougent.
On comprend très vite qu’on a à faire à un film d’amour, car Céline Sciamma ne sait faire que ça. Au coeur de la relation mère-fille se noue une histoire qui dépasse le film, et qui est le rapport qu’entretiennent ces deux actrices principales, jumelles. Cette dimension particulière finit de conférer au film une forme de sincérité totale dans le rapport qu’entretient Sciamma avec son art, et dont découle une grande honnêteté envers les spectateurs, nous.