La Bécassine de Bruno Podalydès, c’est d’abord un visage dont la coiffe blanche identifiable ajoute un cadre dans le cadre et souligne la grande expressivité de son interprète. Grands yeux bleu azur, bouche généreuse, peau diaphane, voix claire, la formidable Émeline Bayart donne à voir et à ressentir immédiatement ce qu’incarne profondément son personnage : un regard curieux, un cœur pur, une innocence véritable. D’emblée, celle qui quittera ses parents fermiers et son oncle garde-chasse pour devenir, par un concours de circonstances, la nourrice d’une famille de notables voisins, affiche une ouverture franche au monde et aux autres. Cette Bécassine-là est proche de la terre. Un vol de bécasses fut concomitant à sa naissance et lui donna son nom. On est loin de l’idiotie que laisserait supposer son image populaire. Ici, Bécassine prête une attention particulière à tout ce qui s’offre à elle et, dénuée de jugement, aborde le monde par le questionnement et la littéralité. Sa naïveté et sa capacité à s’émerveiller (de la vitesse, de l’électricité, de la vie) a un pouvoir : elle désarçonne et, dans le même temps, met la lumière sur la fonction première des choses. En se confrontant au difficile excercie de l’adaptation de bande dessinée, Bruno Podalydès réussit l’exploit suprême de nous émerveiller ! Bravo !
D’après Bande à part