Mathyas vient de s’installer dans un hôtel à Arles. Québécois, il a laissé derrière lui sa famille et son job dans le marketing afin de réaliser son rêve : devenir berger. Espérant trouver une forme de quiétude et pouvoir un jour écrire son propre manuel du berger, il commence à apprendre les gestes dans une bergerie, et fait la connaissance d’une jeune fonctionnaire, Élise, lorsqu’il cherche à obtenir un permis de travail, avec laquelle il commence à correspondre…

C’est LA bonne surprise du printemps, un feel good movie intelligent, sur le fil du rasoir entre comédie et drame, qui donne envie d’être amoureux et de se rendre en pleine nature. Venue du Québec, où elle a connu un énorme succès, cette comédie dramatique à fond social, séduit d’emblée par la volonté optimiste de son personnage principal (épatant Félix-Antoine Duval, vu dans "Saint Narcisse") et installe son intrigue en Provence, avec ce jeune homme ayant plaqué sa boîte de marketing publicitaire et cherchant à redonner un sens à sa vie en devenant berger. Enregistrant un amusant message d’au revoir aux collègues qu’il a soudainement plantés, il enchaîne en achetant quelques livres sur le pastoralisme et en s’installant dans un hôtel d’Arles, conscient des limites de son porte monnaie. Mais l’aventure démarre vraiment lorsqu’il se présente face à un groupe d'hommes rustres, postule pour un « poste » de berger et parvient à convaincre par son enthousiasme, teinté de naïveté, un première éleveur de lui donner sa chance.

La force du film est de tisser en parallèle une charmante romance avec une employée d’administration, qui ne voit pas plus de sens dans les formulaires qu’elle donne à remplir, et une intrigue autour de cette volonté de s’accomplir, qui passera par trois employeurs différents, permettant de défaire l’angélisme du personnage et l’image d’Épinal qu’il se fait du métier. Le scénario montre ainsi un savoir faire précis et un contexte particulièrement rude, dans lequel les éleveurs peuvent devenir eux-aussi aigris (face a la fatalité des maladies ou de la météo, aux lourdes charges, aux obligations environnementales…) mais pouvant réserver aussi ses moments de magie et de communion, avec d’autres gens (voir la sublime balade que constitue la transhumance…) comme avec la nature (le pâturage en altitude). Embrassant chacun des lieux par des plans superbement composés, Sophie Deraspe ("Antigone") communique une irrésistible envie de nature et d’apaisement, qui résonnera de manière presque instinctive chez chacun. Elle parvient à mettre en scène une œuvre au parfait équilibre autour d'un métier aux acteurs parfois rudes, que des seconds rôles saisissants (Bruno Raffaelli, Guilaine Londez...) parviennent à rendre humains, dévoilant au passage les aléas d’un métier passion (la scène d'orage en montagne est glaçante de tension), comme beaucoup menacé dans un monde qui relègue les paysans et autres en tant que subalternes.

D'après Abus de Ciné