Ça commence par une séquence presque burlesque, on est pris par surprise, prêt à rigoler : un grand gaillard d'adolescent dégingandé pique la télé de sa mère qui lui braille d'arrêter. Comme si le grand garçon voulait faire une farce à sa maman, ou l'obliger à oublier un peu son petit écran qu'elle regarde à longueur de journées… Mais le rire n'aura guère le temps de s'installer à son aise. Le jeune gars est rejoint par un copain, un black, et ensemble ils amènent le poste de télé chez un prêteur sur gages, histoire de récupérer quelques dollars pour se payer leur dose de drogue. Et là Requiem for a dream a vraiment commencé : c'est parti pour un voyage au bout de la dope, un trip halluciné au royaume des stupéfiants.
Le jeune faucheur de télé s'appelle Harry, son pote Tyrone. Harry a une petite amie jolie comme un cœur, Marion, fille de bonne famille. Tous trois sont accro à la drogue, ils ont du mal à penser à autre chose, ils ne vivent que pour ça. S'en procurer, la sniffer ou se piquer, planer, rêver qu'ils ont atteint le Nirvana, redescendre, atterrir, déchanter grave… Et le cycle infernal recommence : trouver l'argent, se procurer la drogue… Le film les suit dans leur cercle vicieux, pas à pas, avec les moments de réelle euphorie et de vraie détresse, avec la certitude qu'ils n'ont aucune chance de s'en sortir.
En contrepoint des errements du trio, on revient à la mère de Harry, Sara Goldfarb, veuve obnubilée par les jeux télévisés. Un matin, elle reçoit une lettre qui lui laisse espérer qu'elle a une chance d'être retenue comme candidate de son émission préférée. Cette perspective devient pour elle une véritable obsession. Elle se met dans la tête de maigrir, de retrouver la ligne pour entrer dans la robe rouge de sa jeunesse, celle qu'elle portera lorsque le grand soir sera venu. Elle se lance dans un régime draconien, commence à prendre des comprimés coupe-faim, et très vite en abuse et tout naturellement entre dans le cercle vicieux de la dépendance…
Requiem for a dream, c'est la descente aux enfers de ces quatre pauvres humains qui se trompent de rêves, qui noient leur intelligence et leur âme dans d'infantiles visions du paradis terrestre. Le film ne juge pas, n'analyse pas, ne sociologise pas, ne psychologise pas. Il essaie de faire ressentir le parcours cahotiques des personnages par tous les moyens du cinéma : couleurs, ambiances, montage, trucages visuels, sons, musiques. Darren Aronofsky a réussi un exercice de haute voltige visuelle qui peut énerver ou fasciner durablement. En tout cas, c'est superbement fait, extrêmement maîtrisé, très impressionnant et désormais un film-culte.
D'après Utopia