Prix du scénario Festival de Cannes 2018
Une jeune femme envoie à une célèbre actrice, une vidéo dans laquelle elle se suicide parce que sa famille ne l’autorise pas à entamer des études de comédie. Pour tenter de résoudre cet-te affaire et de confirmer, ou non, sa mort, l’actrice se rend dans le village de la jeune femme afin de rencontrer sa famille. Et elle embarque le réalisateur Jafar Panahi dans ce voyage.
Durant leur trajet, les deux se demandent si la vidéo est réelle ou un montage. L’actrice s’attarde sur le moment du prétendu suicide en émettant l’hypothèse qu’il pourrait être faux. Un cut serait-il dissimulé pour les tromper ? Les cuts justement, il en question dans l’approche formelle de Panahi. Habitué aux longs plans, il minimise son montage pour capter du réel. En l’occurrence c’est l’état de son pays, très conservateur, qu’il veut filmer. Tiraillé entre la fiction et le documentaire, Trois Visages rejoue encore la carte de l’ambiguïté, questionnant le spectateur sur le pouvoir des images. Le gouvernement iranien sait, à juste titre, comment le cinéma (ou l’art en général) peut s’avère être un puissant outil. C’est cette dictature de la pensée que combat Jafar Panahi et qui lui vaut aujourd’hui d’être assigné à résidence.
Tout le génie de Trois Visages réside dans le glissement entre ce réel et la fiction. En se mettant en scène, Panahi brouille les pistes, insère du faux dans le vrai, tout en ne donnant pas les clés. Le spectateur doit sans cesse se demander si ce à quoi il assiste est scénarisé ou non. Parce que les plans sont effectivement longs, repoussant le cut, mais en même temps ultra-chorégraphiés. Ces panoramiques, avec entrées et sorties de champs précises, ne sont pas le fuit du hasard. Panahi nous interroge davantage nous, que ses images – il en est l’auteur. Tout le long, il faut apprendre à décrypter, à comprendre ce que l’on regarde, qui pose quel point de vue.
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