Sébastien Lifshitz est un super-héros, il a le don de se rendre invisible. Comment expliquer sinon qu’il parvienne si bien à se fondre dans le décor. Sa caméra se fait si discrète que ceux qu’elle filme semblent oublier jusqu’à son existence. On imagine la délicatesse du cinéaste, sa patience hors norme pour parvenir à saisir tant d’instants subtils, criants de vérité. Au sommet de son art, il nous offre ici une plongée au coeur de l’adolescence, un véritable bain de jouvence. Comme dans ses précédents et magnifiques documentaires, il trouve toujours le ton juste, attentif à ne pas déflorer trop de l’intimité de ses protagonistes tout en nous les rendant incroyablement proches. Si, lors des premiers repérages, le réalisateur avait prévu de suivre les pas d’un jeune garçon, le voilà qui bifurque et se met à filmer deux adolescentes, Emma et Anaïs, qu’il va suivre pendant cinq ans. Et c’est d’abord ce temps long qui rend le film exceptionnel. Voir les deux filles, au long de ces cinq années, de l’entrée au collège à l’heure du redoutable baccalauréat, s’épanouir sous nos yeux, abandonner leurs chrysalides, va devenir tout aussi prenant qu’émouvant. Cette chronique initiatique du passage de l’enfance à l’âge adulte, témoin de l’évolution de notre société, se révèle de bout en bout passionnante, pleine de surprises et de chocs imprévus.
Utopia