À Eddington, en ce mois de mai 2020, la loi fédérale a rendu le port du masque obligatoire, les commerces autres que « de première nécessité » sont fermés, la distanciation sociale est évidemment de rigueur – mais tout le monde n’est pas d’accord. À commencer par Joe, le shérif un peu lymphatique de la bourgade. Chargé de faire respecter la loi, il rechigne nettement à s’appliquer à lui-même des règles qu’il juge trop contraignantes, stupides (dit-il), voire symptomatiques du fossé qui s’est creusé entre le peuple et des élites déconnectées du réel. Comme bon nombre d’internautes désœuvrés, il s’est bricolé à la va-vite sur les forums et les réseaux sociaux une solide expertise en épidémiologie, qui contrecarre quelque peu sa mission (la chloroquine et les reptiliens ne sont pas loin). À la décharge de Joe, sa belle-mère, qui s’est réfugiée dans son foyer le temps du confinement, atteint dans le délire complotiste un niveau nettement supérieur. Joe, très amoureux, ne peut rien refuser à son épouse, Louise (Emma Stone), une femme étrange et fragile psychologiquement, qui occupe ses journées à confectionner des poupées, en une sorte d’art-thérapie vouée à l’échec. Mais le véritable caillou dans la santiag de Joe, c’est le maire (Pedro Pascal). Tout son opposé : hâbleur, démagogue, aussi obsédé par la modernité que Joe est attaché aux valeurs traditionnelles. Un maire qui veut développer la commune autour de l’industrie de l’IA, un secteur peu pourvoyeur d’emplois et sacrément gourmand en eau et en énergie – une hérésie sociale et environnementale. Alors c’est décidé : Joe se lance en campagne pour les élections municipales.
En ce même mois de mai 2020, les suites de la terrible affaire George Floyd et l’explosion du mouvement Black Lives Matter viennent également ébranler la quiétude de la petite bourgade d’Eddington. Entre une Amérique des classes populaires et moyennes blanches, coronasceptique, gavée de fake news, dont Joe est le parfait représentant, et l’Amérique moderne, éclairée et affairiste incarnée par le maire, le divorce est consommé. Où cela va t’il les mener ?
D’après Utopia