Une intrigue noire dans une steppe blonde. De l’absurde, au milieu de nulle part et en plan large. Le film s’ouvre par une séquence ubuesque :
un vieux 4x4 de police roule, la nuit, dans l’immensité de la plaine, en Mongolie-Extérieure. Soudain, les mauvais phares éclairent un cadavre allongé de femme. Après avoir réparé la voiture, tombée en panne, le chef des flics, proche de la retraite, laisse à un novice de 18 ans le soin d’empêcher les loups de dévorer la victime. Il charge ensuite une (vraie) bergère, qui se déplace armée et à chameau, de veiller sur celui qui veille sur le macchabée… Quand le jour se lève sur un paysage où le ciel envahit toute l’image, les policiers viennent chercher le cadavre et l’enquête reprend son cours. Mais elle n’est pas le sujet de ce faux film noir, où même le prétendu criminel semble ne rien comprendre à ce qui se joue ici. C’est autre chose que, dans une lumière et un silence d’avant l’humanité, raconte Wang Quan’an : le passage de la vie à la mort, la réincarnation et l’immémoriale sagesse des femmes qui vivent seules sous des yourtes, dans une steppe où la nature est plus forte que la culture. C’est à la fois philosophique et comique, réaliste et abstrait, clair et obscur. C’est beau.
Jérôme Garcin