Le monde est malade. Et Petrov a de la fièvre. Dans un bus de ville bondé, engoncé dans son manteau, emmitouflé sous son écharpe, les yeux rougis et le souffle court, Petrov tousse, expectore tout ce qu’il peut. La fièvre monte. Sous ses assauts, la nuit sale mais relativement paisible et enneigée de Ekaterinbourg, ville de la Sibérie occidentale, se fait inquiétante, la marche des événements se dérègle, bizarrement ballottée entre les fantasmes et les souvenirs de Pétrov – et ce que son état de santé approximatif lui accorde de perception du réel. Ce qui lui arrive de la rumeur du monde qui l’entoure est tordu, déformé par l’état pitoyable et cotonneux, étouffant, narcoleptique, qui l’ensuque et le saisit de tremblements. Entrainé par son ami (?) Igor, Petrov soigne le mal par le mal et la fièvre par l’alcool, Et Petrov n’a en ligne de mire, pour faire tomber la température, qu’un lot de cachets d’aspirines périmés datant d’avant la glasnost... S’ensuit un voyage aux portes de la psyché perturbée et colorée de Petrov, dont les souvenirs d’enfance se mêlent à ces impromptues expé-riences nocturnes. Kirill Serebrennikov mélange dessin animé, pellicule abîmée, mélodies de l’enfance et couleurs légèrement passées, dans une célébration parfois sombre et douloureuse de l’enfance et ses premières expériences.Trois ans après le très acclamé Leto (On cultive ici à Itsas Mendi une belle nostalgie du film), sur la vie d’un groupe de rock russe qui casse les codes esthétiques et moraux en plein déclin soviétique, Kirill Serebrennikov revient avec La Fièvre de Petrov, présenté en compétition officie-lle à Cannes en 2021. Le film est l’adaptation du roman “Petrov, la grippe, etc.” d’Alexeï Salnikov, publié en 2016 et comparé par le critique littéraire Oleg Demidov à une expérience sous drogue psychédélique. L’expérience cinématographique est pour le coup assez proche du livre. Il faut juste accepter de ne pas forcément tout comprendre ni même de tout voir – tout n’est pas surligné, ni même forcément expliqué. On doit se contenter, avec Petrov, de ressentir le monde, pour peut-être s’apaiser.
D’après Utopia et Les Inrocks