A partir du 18 février
Vous n’avez pas oublié le formidable Three billboards, précédent film de Martin McDonagh. Mais plusieurs années auparavant, Martin McDonagh avait signé un polar savoureux, intitulé Bons baisers de Bruges, mettant en scène deux tueurs à gages irlandais envoyés dans la petite Venise du Nord. Les deux gaillards, le jeunot et le vétéran, étaient incarnés respectivement par Colin Farrell et Brendan Gleeson.
Quinze ans plus tard, Martin McDonagh a décidé de réunir à nouveau ces deux remarquables acteurs et de les plonger cette fois dans une histoire totalement irlandaise, bien que située sur l’île imaginaire d’Inisherin. Nous sommes en 1923, un an après que l’indépendance de la partie méridionale de l’Irlande a été déclarée. Une période qui est celle de la guerre civile entre ceux qui veulent se contenter de cet accord avec les Anglais et ceux, plus radicaux, qui veulent continuer le combat pour obtenir l’indépendance de l’Ulster. Depuis les impressionnantes falaises d’Inesherin, on aperçoit au loin sur le continent les combats et leurs explosions.
Mais on est loin du fracas des armes sur l’île très peu peuplée, avec ses landes battues par les vents, dont les quelques habitants vivent chichement du petit élevage et de la pêche, tout aussi modeste. L’unique point de convivialité est depuis toujours, comme dans beaucoup de villages irlandais, le pub. Padraic, un garçon aussi simple et dénué d’arrière-pensée que l’âne qui est son inséparable compagnon, ne louperait pour rien au monde son rendez-vous quotidien autour d’une pinte avec son vieux pote Colm. Mais le deux compères de toujours se retrouvent dans une impasse lorsque Colm décide du jour au lendemain de mettre fin à leur amitié. Abasourdi, Padraic n’accepte pas la situation et tente par tous les moyens de recoller les morceaux. Pourtant les efforts répétés de Padraic ne font que renforcer la détermination de son ancien ami et lorsque Colm finit par lui poser un ultimatum désespéré, les choses s’enveniment...
Tragi-comédie métaphysique d’une singularité réjouissante, construite sur des situations fortes autant que cocasses et des dialogues remarquablement écrits, Les Banshees d’Inisherin propose une réflexion sur les choix de vie : le respect des conventions face au libre-arbitre, la quête d’absolu face au compromis. Parabole peut-être de ce qui se joue sur le continent alors que les Irlandais se déchirent entre pragmatiques et indépendantistes irréductibles… Mais c’est aussi une étude d’une grande justesse sur la masculinité et sa violence.
Magnifié par une ample mise qui met en valeur des paysages stupéfiants, porté par une troupe de comédiens tous impeccables, Les Banshees d’Inisherin est un film riche et profond qui vous marque durablement.
Utopia