Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.
C’est toute la richesse du cinéma iranien, tonifiant, envoutant, critique, qui déferle depuis quelque temps sur nos écrans. Pour ne citer que les plus récents, on est encore sous le charme de Mon gâteau préféré, bouleversés par Au Pays de nos frères et subjugués par l’incontournable Les graines du figuier sauvage. Lire Lolita à Téhéran, dont l’action se passe quelques décennies plus tôt, fait inévitablement écho à ce dernier, contextualise le mouvement de révolte si bien capté par Mohammad Rasoulof dans l’Histoire récente de l’Iran. Or ce film-là, qui dépeint d’autres situations, d’autres personnages, a la particularité d’avoir été tourné par un réalisateur israélien. Ce qui, compte tenu des relations – disons tendues – entre les dirigeants des deux pays devrait instantanément disqualifier l’entreprise. Seulement voilà : dans ce numéro de cinéaste équilibriste, on ne peut à aucun moment suspecter Eran Riklis de basses manœuvres propagandistes. Peu en cour dans son pays, le réalisateur à qui l’on doit des films imparables tels La Fiancée syrienne, Les Citronniers… exprime depuis longtemps sa position critique par rapport aux politiques israéliennes de confiscation des terres palestiniennes et d’occupation du territoire syrien. Il n’est pas anodin qu’il ait réussi à embarquer dans l’aventure une troupe de comédiennes extraordinaires, courageuses, toutes exilées et évidemment personae non gratae en Iran, à commencer par l’actrice principale, Golshifteh Farahani et sa collègue Zar Amir Ebrahimi, qui soutient activement le mouvement « Femme, Vie Liberté ». Grâce à l’excellence de l’interprétation, la précision de l’écriture, la reconstitution minutieuse de Téhéran, si ce film tourné en Italie par un Israélien n’a pas la nationalité iranienne, il semble être habité par l’âme persane.