Après les portraits iconoclastes de figures romanesques (Louis XIV dans La Mort de Louis XIV), Albert Serra s’attaque à une figure plus ordinaire en apparence, celle d’un homme politique en mission. Sauf que le cinéaste catalan a une telle manière de le montrer, sous une forme à la fois décadente, sinistre et grotesque, que le personnage en devient extraordinaire, d’autant plus qu’il est filmé au milieu de paysages plus irréels les uns que les autres, en Polynésie française, sur l’île de Tahiti. Et lorsqu’on apprend qu’il est question d’une crainte de la population de la reprise des essais nucléaires, au-delà de la dimension écologique que cela implique, le film se dirige étrangement vers le thriller.
Une fois encore, Albert Serra filme dans une étouffante moiteur putride un monde qui feint d’ignorer qu’il a déjà sombré. Un requiem acerbe d’une classe politique recroquevillée jusqu’au ridicule sur ses passe-droits et ses privilèges autoproclamés, comme un vestige de l’héritage colonial. Dans le rôle de ce colosse de sable, Benoît Magimel, en auguste privé de trône, est au-delà de tous les éloges.
D'après L'Obs & Bande à part