François Ozon ne s’est jamais caché de son admiration pour le grand Rainer Werner Fassbinder. Il avait déjà adapté, au début de sa carrière, un texte théâtral de Fassbinder resté inédit : Gouttes d’eau sur pierres brûlantes. Il propose aujourd’hui sa vision du petit théâtre des cruautés, de l’amour et du pouvoir que constitue Les Larmes amères de Petra Von Kant, chef d’œuvre du cinéaste / dramaturge allemand.
Dans l’œuvre originale, Petra est une grande créatrice de mode quelque peu autocentrée qui vit souvent cloîtrée avec Marlène, son assistante. Mais soudainement, telle une tornade, une jeune apprentie mannequin, Karin, va surgir dans sa vie et aspirer Petra dans les tourments de l’amour et de la jalousie. François Ozon a fait le pari audacieux de changer le sexe des protagonistes principaux. Petra est devenu Peter, cinéaste/ogre excessif, aussi autoritaire que génial. Choix finalement logique tant Fassbinder avait dit à de multiples reprises, que Petra, c’était lui. Marlène est devenu Karl, sorte de majordome filiforme qui promène sa silhouette discrète dans tous les plans. Karin est devenu Amir, un garçon ouvertement intéressé et à la beauté irrésistible. Et puis il y a l’entremetteuse, l’actrice fantasque Sidonie, meilleure amie de circonstance de Peter, incarnée par une Isabelle Adjani qui donne au personnage sa beauté de papier glacé rongée par une folie domestiquée à grand peine.
Ozon orchestre brillamment un très bel hommage, à la fois fidèle et original, au maître Fassbinder, sachant tirer la quintessence de l’œuvre, subversive autant que romantique, ne succombant jamais à la tentation du clin d’œil pour initiés, la seule citation directe du film initial étant l’apparition finale – et très émouvante – d’Hanna Schygulla, qui incarnait Karin il y a près de cinquante ans !
D'après Utopia