Le 3 juin 2017, Reality Winner, 25 ans, est interrogée par deux agents du FBI à son domicile. Cette conversation banale parfois surréaliste, dont chaque dialogue est tiré de l’authentique transcription de l’interrogatoire, brosse le portrait complexe d’une milléniale américaine, vétérane de l’US Air Force, professeure de yoga, qui aime les animaux, les voyages et partager des photos sur les réseaux sociaux. Pourquoi le FBI s’intéresse-t-il à elle ?
Comment filmer un lanceur ou une lanceuse d’alerte ? Edward Snowden, le plus célèbre d’entre eux, a eu droit à deux longs métrages : Citizenfour, un portrait documentaire dans lequel il apparaissait lui-même et bien sûr Snowden d’Olivier Stone, biopic formellement plus classique et d’une implacable efficacité.
Avec Reality, Tina Satter emprunte une troisième voie singulière qui prend le meilleur des deux genres. La force et les propos des enjeux politiques du film sont portés par un scénario d’une précision d’horloger. Quant à l’impact émotionnel du film, il s’incarne dans une mise en scène oppressante, savamment orchestrée pour rendre palpable la sensation d’un piège qui se referme. « Brillant » est l’adjectif qui nous vient immédiatement à l’esprit, « terrifiant » le suit de près.
Utopia