L’intrigue de The Phoenician Scheme est, comme souvent, simple en apparence : un riche homme d’affaires quasi immortel se doit de négocier avec ses partenaires financiers pour assurer la pérennité du projet de sa vie. Se dessine alors un voyage familial, amical, amoureux pour ne pas courir à la faillite. Le dernier film de Wes Anderson n’est pas une révolution pour le réalisateur, un constat qui ne donne pas pour autant raison aux quelques détracteurs du cinéaste clamant sa manie à se répéter encore et encore. The Phoenician Scheme est un pur Wes Anderson qui a pourtant su s’émanciper de ses prédécesseurs sans ôter la patte artistique que le réalisateur et scénariste texan a mis des années à perfectionner.
Tout ceci ne semble donc qu’à demi-renouvelé pour les connaisseurs de la filmographie Andersonienne, mais c’est ici la plus grande force de The Phoenician Scheme : conjuguer l’ancien et le nouveau pour livrer un récit explorant des situations connues au travers de thèmes sortant de l’ordinaire. Jusqu’alors, la mort avait été traitée par son côté libérateur, jamais comme un châtiment ultime. Elle est ici couplée à une imagerie plus sombre, en embarquant un lexique visuel propre à la religion chrétienne, une violence plus graphique (dès l’introduction). Cette volonté donne à la fois au film un côté joliment absurde mais aussi très sérieux dans ses questionnements. « Who will bridge the gap ? » résonne encore dans la tête du personnage principal, lorsqu’il comprend que personne ne le fera à sa place, son ultime solution étant de fracasser à coup d’amphore antique le crâne de son demi-frère qui tente de l’empêcher de combler cet espace creux.
The Phoenician Scheme est un voyage étrange dans un désert Wes-Andersonien étonnamment bien rempli. L’ensemble peut paraître moins chatoyant, moins grandiose que dans un Grand Budapest Hotel, mais ce n’est jamais rédhibitoire tant Wes Anderson s’amuse avec sa fable anti-capitaliste à surprendre ceux qui l’ont un temps réduit à une « trend » sur les réseaux sociaux.
Le « gap » à combler s’incarne peut-être en la persévérance du réalisateur, définitivement décidé à faire des ponts entre tous ses films tout en ne s’insérant jamais dans une démarche auto-parodique. A l’image de son protagoniste qui ne meurt jamais malgré les nombreuses tentatives d’assassinat, Wes Anderson livre avec The Phoenician Scheme un film bien à lui qui ne saurait être influencé par une industrie ainsi qu’un public de moins en moins permissif avec les créateurs se revendiquant d’une certaine marginalité.
Avec son dernier long-métrage, le cinéaste ne fait pas que survivre, il triomphe encore, comble l’écart entre un cinéma de studio de moins en moins inventif et son génie artistique toujours aussi brillant.
D'après Le bleu du miroir