Depuis dix ans, Spielberg n’a eu de cesse de filmer des personnages qui, directement ou pas, figuraient sa nature de conteur. Des personnages qui s’opposent à l’ordre établi et aux injustices qu’il charrie, qui tentent de changer le monde. Qui mieux que Maria et Tony, amoureux en dépit des guerres de gangs, pour intégrer cette galerie ? Et qui de plus jusqu’au-boutiste, comme conteur, que celui ou celle qui brise la réalité et se met à chanter pour la raconter plus grandiose qu’elle ne l’est ? Éminemment politique, West Side Story ne fait que ça : raconter le monde et espérer en donner une version plus belle – par le chant, par le cinéma, par le prisme de l’œil transi d’amour.
Spielberg construit ici un univers fait de lignes à franchir, de barrières à défoncer, de grillages à escalader, de fossés à traverser, d’escaliers à gravir, tout ce qui sépare les êtres, tout ce qu’ils doivent vaincre pour atteindre l’autre. Par cette mise en scène constante de l’espace et de ses délimitations, West Side Story s’impose en film de territoire et de frontières et raconte frontalement notre époque, dans tout ce qu’elle a d’effrayant – la peur de l’autre, le repli sur soi, le virilisme.
D'après CinémaTeaser